Une combinaison thérapeutique devient la référence de traitement dans certaines leucémies myéloïdes aiguës
Les résultats d’une étude internationale, à laquelle ont contribué deux médecins français dont le Pr Christian Recher, chef du département d’hématologie à l’IUCT-Oncopole en tant que co-premier auteur, ont été publiés dans le New England Journal of Medicine.
La survie des patients atteints de leucémies myéloïdes aiguës avec une mutation du gène IDH-1 non éligibles à une chimiothérapie intensive restait jusqu’à présent très brève. L’étude internationale de phase III AGILE, montre qu’associer une chimiothérapie, l’azacitidine, avec une nouvelle thérapie ciblée, l’ivosidenib (inhibiteur sélectif des enzymes mutants IDH1), triple la survie des malades. Plus efficace, cette double thérapeutique est également mieux tolérée assortie d’une diminution du risque d’infections. Une combinaison prometteuse qui définit le nouveau standard de traitement pour ces patients. Les résultats de l’étude, à laquelle le Pr Christian Recher, chef du département Hématologie de l’IUCT-Oncopole et le Dr Stéphane de Botton, chef du comité Hématologie de Gustave Roussy ont contribué comme co-premier et co-dernier auteur, ont été publiés dans le New England Journal of Medicine.
La leucémie myéloïde aiguë (LMA), encore appelée leucémie aiguë myéloblastique, est un cancer du sang rare et complexe à traiter. Elle se caractérise par une multiplication incontrôlée de cellules indifférenciées envahissant la moelle osseuse et entraînant une baisse de la production des globules rouges, globules blancs et des plaquettes. Diagnostiquée après un myélogramme et une analyse de sang, la LMA touche essentiellement les adultes âgés (68 ans en moyenne lors du diagnostic). Parmi les mutations retrouvées, celles du gène IDH-1 (isocitrates déshydrogénases) est présente dans 6 à 10 % des cas.
Cependant, la moitié des patients sont soit trop âgés, soit porteurs de comorbidités (cardiaques, rénales…) les empêchant de recevoir de fortes doses de chimiothérapie. Dans ces cas-là, le traitement de référence, basé sur l’azacitidine, ne donne pas de résultats satisfaisants en termes de rémission complète (10 à 15 %) et de survie globale (8 à 9 mois).
Nouvelle thérapie « ultra-ciblée », l’ivosidenib (un inhibiteur de l’isocitrate déshydrogénase muté 1) est autorisée en première ligne dans la LAM avec mutation IDH-1, ainsi que chez des patients en rechute ou ne répondant pas au traitement standard aux Etats-Unis, mais uniquement en accès compassionnel en France.
Un taux de survie triplé
Dans cet essai clinique de phase III en double aveugle, randomisé et contrôlé par placebo, 146 patients issus d’une vingtaine de pays, âgés en moyenne de 75 ans au moment du diagnostic de leucémie myéloïde aigue avec mutation IDH-1 et inéligibles à une chimiothérapie intense, ont été inclus entre 2018 et 2021.
Tous ont été répartis de façon aléatoire en deux groupes : le premier recevant un comprimé d’ivosidenib (500 mg en une prise quotidienne) et de l’azaticidine par injection intraveineuse ou en sous-cutané ; le second se voyant administrer, dans les mêmes conditions, un placebo et l’azacitidine. Les patients ont été suivis en moyenne 12 mois, le temps d’au moins 6 cycles de traitements.
Le critère d’évaluation principal de l’étude portait sur la survie sans événement, c’est-à-dire l’absence de rechute, de progression de la maladie, d’interruption, voire de changement de traitement lié à des effets secondaires importants, ou de décès.
Les résultats indiquent que le risque de récidive ou de décès est réduit de 67 % dans le groupe ayant reçu la combinaison de traitement. 38 % des patients traités par azacitidine et ivosidenib étaient en rémission complète après 24 semaines de traitement, contre 11 % pour ceux du groupe contrôle. La survie globale est quant à elle triplée, passant de 8 mois sans ivosidenib à 24 mois avec l’association des deux thérapies. Par ailleurs, la qualité de vie des patients ayant reçu la combinaison est améliorée et l’incidence des infections (neutropénies, anémie…) est moins forte (49 %, contre 28 % pour le groupe contrôle).
Pour le Pr Christian Recher et le Dr Stéphane de Botton la méthodologie de cet essai est robuste et l’effet, massif. « Non seulement les patients ayant eu la combinaison répondent plus vite et plus longtemps, ce qui se traduit par une meilleure survie sans récidive et plus de rémission complète, mais ils présentent également moins d’infections, les traitements étant mieux tolérés ». Ces excellents résultats ont induit une levée de la randomisation avant la fin de l’essai.
Une centaine de patients pourraient bénéficier de cette stratégie améliorée qui s’impose désormais comme un standard dans l’éventail des traitements disponibles afin de prévenir les rechutes et de d’augmenter la réponse en première ligne.
Source : IUCT OncopoleToulouse